3 raisons de dire adieu au fast fashion
Photo de Polina Moroz, intitulée "Askold island. Vladivostok/ Russia 2018"
Salut, c’est moi, Joëlle, la casseuse de party.
C’est le moment d’être honnête avec toi. De se dire les vraies choses. Les statistiques que tu t’apprêtes à lire ne sont pas cool à entendre, mais elles sont nécessaires, crois-moi. On se retrouve de l’autre côté de ma liste.
- La consommation de vêtements devrait passer de 62 millions de tonnes (2017) à 102 millions de tonnes en 2030.
- Les émissions de gaz carbonique de l’industrie du vêtement devraient augmenter à 2,8 milliards de tonnes d’ici 2030. Autrement dit, l’équivalent de 230 millions de véhicules en déplacement pendant un an.
- La moitié des travailleurs dans l’industrie du vêtements sont payés sous le salaire minimum.
- Environ 300 millions des gens qui produisent le coton vivent sous le seuil de la pauvreté.
- Au Pakistan dans le secteur vestimentaire, 87% des femmes sont payées sous le salaire minimum.
- Environ 1 900 micro fibres synthétiques se détachent de chaque vêtement quand ils sont lavés et, à cause de leur taille minuscule et de leur forme, nos systèmes ne parviennent pas à les filtrer, leur permettant donc de se rendre aisément jusque dans nos océans.
- 60% de tous les vêtements produits mondialement finissent dans les dépotoirs ou dans les incinérateurs au cours de l’année suivant leur création.
*Source juste ici.
Évidemment, tu auras deviné que je te parle de fast fashion. Avec la marche pour les changements climatiques du 15 mars, la Fashion Week Revolution (22 au 28 avril) et le Jour de la Terre (22 avril) qui arrivent à grand pas, l’équipe de Marigold et moi nous sommes dit que, avec tout cet activisme dans l’air, un portrait candide du fast fashion et de toutes les raisons pour lesquelles il est urgent de le sortir de nos vies, était de mise.
*En passant : mon but n’est pas de sonner preachy ou moralisatrice, mais je pense que dans une situation d’urgence environnementale et sociale comme celle-là, il faut se dire la vérité. Même si elle n’est pas toujours agréable à entendre.
- L’industrie du vêtement est la deuxième plus polluante au monde
Eh oui, juste après le pétrole. Quand on sait que la planète entière consomme 80 milliards de vêtements par année, ce n’est pas tant surprenant. Chez nous, au Canada, le citoyen moyen jette 32 kg (et par «jette», j’entends carrément «mettre dans la poubelle») de vêtements annuellement.
Les conséquences polluantes ne se manifestent pas juste en fin de vie d’un vêtement, mais dès la première fibre récoltée ou fabriquée. Plus de 8 000 produits chimiques synthétiques sont utilisés partout dans le monde pour transformer des matières brutes en textiles, dont plusieurs sont déversés dans les cours d’eau environnants, menaçant la santé des résidents, de la faune et de la végétation avoisinantes. Pour te donner une idée, ça prend 1/3 de livre d’engrais synthétique (oui, je change momentanément au système métrique pour que ce soit plus facile à comprendre) pour produire une livre de coton. Et ça prend un peu moins qu’une livre de coton pour fabriquer un t-shirt. Son impact ne s’arrête pas là: ça prend 2 700 litres d’eau pour fabriquer UN t-shirt. La consommation moyenne d’eau d’une personne pendant… 900 jours.
Du côté des fibres synthétiques, comme le polyester, le spandex et le nylon, elles sont toutes aussi néfastes à leur manière: elles prennent de 20 à 200 ans à se décomposer. Pas surprenant que les dépotoirs soient plein à craquer.
- Le fast fashion se fout des droits humains
24 avril 2013. Une usine au Bangladesh s’effondre et emporte 1 100 travailleurs avec elle, en plus d’en blesser 2 000 autres. Le Rana Plaza abritait la production de plusieurs marques fast fashion, de Joe Fresh à Mango. Aussitôt, les compagnies se sont déculpabilisées en clamant qu’elles n’étaient pas au courant des piètres conditions de l’édifice. Leur excuse? Elles se fiaient à des rapports émis par de tierces parties qui, clairement, étaient erronés. Sans surprise, on apprenait plus tard que la fondation de l’immeuble était fragilisée par des fissures, que des barreaux étaient posés aux fenêtres et que les sorties de secours étaient bloquées. Je me pose la même question que toi: comment en sommes-nous arrivés là?
Tout indique que la situation a pris un tournant dévastateur quand les quotas pour les imports de textiles et pour les vêtements fabriqués dans les pays en développement ont été levés en 2003 au Canada et en 2005 à l’international. Cette nouvelle réalité a permis à une tonne de compagnies de déménager la totalité de leur production dans ces endroits où les droits des travailleurs sont pratiquement inexistants et de créer une course aux rabais particulièrement répugnante. Puisqu’elles lancent de nouveaux vêtements à toutes les deux semaines, des marques comme Zara et Forever 21 doivent réagir rapidement aux nouvelles tendances et produire à une vitesse grand «V». Pour réaliser ces prouesses manufacturières, elles mettent en place des enchères au sein de leurs fournisseurs: qui peut produire le plus vite, au plus bas prix? En mode survie, les manufacturiers acceptent et créent ainsi des précédents non viables (pour eux et leurs employés, pas pour Zara qui s’enrichit pendant ce temps-là) et coupent les dépenses ailleurs, du salaire à l’entretien et l’inspection (adéquate) de leur immeuble.
Avant le désastre de Rana Plaza, le salaire mensuel moyen au Bangladesh pour un travailleur dans l’industrie de la production vestimentaire était de 38 $. À la suite de la tragédie, le gouvernement s’est engagé à élever le salaire minimum à 68 $ par mois. Aujourd’hui, encore 40 % des usines ne respectent pas cette loi.
Je te parle du Bangladesh ici, mais c’est une réalité répandue à travers une foule de pays sous-développés. Il faut se rappeler que les compagnies de vêtements ne font de cadeaux à PERSONNE. Le but de ces compagnies est et sera toujours de faire le plus de profits possibles. Si après l’achat des tissus, la main d’oeuvre, le transport, l’emballage, le loyer et tout le reste, ils font encore du profit sur une chemise à 10 $, tu peux être sûre qu’ils ont coupé les coins ronds ailleurs.
Évidemment, les droits des travailleurs sont bafoués au-delà des usines, jusque dans les champs et les tanneries au chrome. Émanation et pesticides toxiques, les effets sur la santé des fermiers et des travailleurs sont néfastes: cancers, maladies respiratoires, détérioration douloureuse de la peau… La liste est longue.
- Le fast fashion détruit notre économie locale
Comme je le disais plus haut, la levée des quotas sur l’importation textile et des vêtements fabriqués dans des pays sous-développés a vraiment porté le coup fatal à l’industrie manufacturière locale, autant ici qu’ailleurs.
Par exemple, en 2003, le Bangladesh a envoyé pour 330 $ millions de dollars de vêtements au Canada. En 2012, ce chiffre s’élevait à 1,2 milliard de dollars. Le produit intérieur brut découlant de l’industrie manufacturière du vêtements a diminué de 8,5% entre 2007 et 2011, passant de 1,9 milliard à 1,3 milliard de dollars.
Du côté des travailleurs, le nombre de Canadiens qui travaillent à la fabrication de vêtements est passé de 94 260 en 2001 à 19 340 en 2010.
Même chose chez nos voisins du sud. En 1960, 95% des vêtements vendus aux États-Unis étaient made in USA. Aujourd’hui? 2%.
Les consommateurs sont devenus déconnectés du vrai coût des vêtements. Dans les années 60, le foyer américain moyen dépensait 10% de son revenu en vêtements et le citoyen moyen achetait moins de 25 articles par année. Maintenant, les dépenses vestimentaires représentent 3,5% du salaire de l’américain moyen, mais il achète environ 70 vêtements par année!
Les compagnies fast fashion nous ont rendus dépendants aux bas prix, déformant complètement notre barème de la valeur des choses. En continuant d’acheter à des prix dérisoires, on leur envoie un message bien simple: qu’on a les même valeurs qu’elles.
T’as envie de changer tes habitudes? Va voir mon article sur la garde-robe capsule et celui dans lequel je t’explique pourquoi acheter des vêtements éthiques s’avère un bien meilleur investissement à long terme.
Par Joëlle Paquette pour MARIGOLD